6.05.2017

D'anciennes graines d'orge donnent un aperçu de l'histoire des îles Canaries


Si vous êtes déjà allés aux îles Canaries et que vous avez mangé du gofio (un aliment à base de céréales grillées), alors vous avez consommé la même nourriture que celle des habitants il y a 2000 ans. En effet, les agriculteurs de l'île cultivent les mêmes types de céréales depuis des milliers d'années.

Telle est la conclusion rapportée par des chercheurs de l'Université de Linköping en Suède et de l'Universidad de Las Palmas de Gran Canaria en Espagne, après l'analyse ADN de graines préhistoriques.

D'anciennes graines d'orge donnent un aperçu de l'histoire des îles Canaries
Des chercheurs ont mené des analyses génétiques de l'ADN provenant de graines d'orge préhistoriques trouvées sur les Îles Canaries: Photo: Jacob Morales


"L'étude du matériel génétique de l'orge des îles Canaries peut améliorer notre compréhension de l'histoire de l'île. Nos analyses supportent la théorie selon laquelle les Îles Canaries ont été colonisées par des tribus du nord du Maroc. Et même si les archéologues n'ont jamais trouvé d'orge à Lanzarote, nous sommes relativement sûrs qu'elle y était cultivée pendant la période préhistorique, exactement comme le décrivent  d'anciennes sources espagnoles" rapporte Jenny Hagenblad, professeur agrégé à l'Université de Linköping et l'un des membres de l'équipe qui a travaillé sur l'étude.

Les Îles Canaries ont une tradition de culture céréalière qui remonte bien avant la conquête espagnole au 15ème siècle. A l'époque préhistorique, l'orge était l'une des principales céréales de l'île de Grande Canarie. Les céréales étaient stockées dans des grottes que les populations indigènes avaient creusées dans le substrat rocheux à base de lave. Ces grottes abritaient leurs précieuses récoltes. "Les conditions dans ces grottes étaient idéales pour le stockage, et il est possible aujourd'hui, plus de 500 ans après, de trouver des graines intactes dans certaines des grottes les plus reculées et les mieux cachées" précise Jacob Morales de l'Université de Las Palmas de Gran Canaria.



Jenny Hagenblad et ses co-équipiers ont étudié certaines de ces graines, et ont constaté qu'elles avaient presque 1000 ans. 


Cependant, elles sont si bien préservées qu'il est possible d'effectuer une analyse génétique de leur ADN.

Les chercheurs ont analysé 100 différentes variantes génétiques, afin d'obtenir non seulement des informations concernant l'orge, mais aussi pour voir à quel point l'orge préhistorique ressemble à celle cultivée de nos jours sur l'île.

L'orge préhistorique a été comparée avec plus de 100 variétés cultivées de nos jours sur l'île, en Afrique du Nord et dans la région méditerranéenne. "Depuis que la population originale a été remplacée dans une large mesure par la population espagnole, nous étions intéressés de voir si l'orge avait aussi été remplacée. Nous avons découvert, cependant, que ce qui est cultivé sur les îles Canaries de nos jours est exactement la même orge que ce que les populations originales avaient amené sur l'île lorsqu'elle fut colonisée au début du premier millénaire après JC." précise Jenny Hagenblad,

"Nous en avons aussi appris beaucoup sur l'orge qui était cultivée à l'époque préhistorique. Les marqueurs génétiques que nous avons utilisés montrent que l'orge avait un contenu nutritionnel élevé, et que chaque plante produisait de nombreuses graines. L'orge semble s'être bien adaptée aux conditions des Îles Canaries, et c'est quelque chose que les conquérants espagnols ont probablement remarqué" ajoute Matti Leino, professeur agrégé au Nordic Museum.

Les résultats de l'étude ont été publiés dans le Journal of Archaeological Science: "Farmer fidelity in the Canary Islands revealed by ancient DNA from prehistoric seeds"

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5.31.2017

Un virus de la fièvre hémorragique, du sang humain et des tissus trouvés dans des récipients mortuaires de l'âge du fer

Quelque part entre 600 et 450 avant l'ère commune, une personne de haut rang, dans ce qui est aujourd'hui l'Allemagne, avait développé des symptômes troublants: grosses ecchymoses, saignements du nez et des gencives, et urine et diarrhée sanglantes.

Ses compatriotes, bouleversés, ou peut-être intrigués par cet état, stockèrent sont sang et ses organes dans des poteries après sa mort, et les enfouirent dans un tertre funéraire, près du site de la Heuneberg.

Un virus de la fièvre hémorragique, du sang humain et des tissus trouvés dans des récipients mortuaires de l'âge du fer
Les récipients étaient enterrés dans un tertre funéraire près de l'habitat protohistorique fortifié de la Heuneberg, reconstruit ici virtuellement. Photo: dapd/Associated Press

Aujourd'hui, grâce à une nouvelle technique basée sur l'analyse d'anciennes protéines, les archéologues ont pu reconstruire le contenu de ces récipients et conclure que l'homme était probablement décédé de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Cette grave maladie transmise par les tiques tue encore de nos jours tout autour du monde.

"C'est la première identification d'une fièvre hémorragique à virus dans les données archéologiques" rapporte Conner Wiktorowicz, chercheur en chef de l'étude et doctorant en archéologie à l'Université Purdue à West Lafayette en Indiana.
C'est aussi le seul cas connu de sang humain et d'organes enterrés dans des poteries aux cours de cette époque et dans cette région, ce qui soulève des questions comme celle de savoir si c'était une pratique plus répandue, inconnue auparavant des archéologues.

Le contenu des récipients en céramique s'est dégradé avec le temps, laissant un film de résidus contenant des protéines des matières organiques qui avaient été stockées à l'intérieur...


Les chercheurs ont identifié des protéines spécifiques aux organes et au sang humain, ce qui était inattendu, car cela montrait que les récipients avaient contenu des restes d'organes.

 

Les archéologues explorent de nouvelles façons de récupérer et analyser ces protéines. Dans la nouvelle étude, une équipe menée par Wiktorowicz a moulu une petite partie de chaque fragment de poterie (ou tessons), puis ont utilisé des détergents et autres produits chimiques pour déloger les protéines présentes; ils ont ensuite isolé et analysé les fragments de protéines à l'aide de diverses techniques. Pour terminer, l'équipe a rempli une base de données nationale sur les protéines avec les informations récoltées.
Un virus de la fièvre hémorragique, du sang humain et des tissus trouvés dans des récipients mortuaires de l'âge du fer
Reconstitution du même type de récipient échantillonné pour l'étude. Illustration: C. Wiktorowicz, et.al. Journal of Archaeological Science 78 (January 2017) © 2016 Elsevier Ltd

Tout aussi étonnant était la présence de deux fragments de protéines uniques, appelés peptides, qui aident la fièvre hémorragique de Crimée-Congo à se lier à une cellule hôte juste avant l'infection, note l'équipe dans un rapport publié en février 2017 dans le Journal of Archaoelogical Science.


Ces découvertes mettent en lumière comment les anciens virus peuvent être identifiés plus facilement par leurs protéines plutôt que par leurs acides nucléiques, comme l'ADN ou l'ARN, plus communément étudiés.


Bien que les chercheurs ont utilisé l'ADN pour tracer la préhistoire des pathogènes, comme la variole, les protéines sont plus stables que les acides nucléiques et peuvent se conserver potentiellement pendant des millions d'années.

"Récupérer des acides nucléiques à partir d'anciens virus est extrêmement difficile et en proie à la contamination" explique Angelique Corthals, anthropologue judiciaire à l'Université de New-York, non impliquée dans l'étude, "les protéines de virus sont plus facilement accessibles et moins sujettes à la dégradation. La découverte de protéines pour la fièvre hémorragique de Crimée-Congo dans des tessons de poterie est passionnante. Il serait bon de voir la confirmation par un autre laboratoire indépendant. Mais en l'état, les résultats semblent assez convaincants."

Il reste cependant la question de savoir si la présence de ce virus dans l’Allemagne de l’âge du fer représente la preuve d'une ancienne épidémie, où le pathogène serait endémique à la région, ou bien s'il s'agit d'un individu ayant voyagé dans une région infectée.

Ces découvertes peuvent encourager les archéologues à accorder plus d'attention aux tessons de poterie qui n'ont à priori aucune caractéristique particulière, et laisser présager d'autres passionnantes trouvailles.

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5.25.2017

Out of Europe ? L'homme serait originaire d'Europe et non d'Afrique

L'histoire de l'évolution de l'homme pourrait bien être réécrite... en effet des scientifiques auraient découvert que l'Europe est le berceau de l'humanité, et non l'Afrique.

À l'heure actuelle, la plupart des experts estiment que notre lignée humaine s'est séparée des singes il y a environ sept millions d'années en Afrique centrale, où les hominidés sont restés pendant cinq millions d'années avant de s'aventurer plus loin.

Out of Europe ? L'homme serait originaire d'Europe et non d'Afrique
Vue d'artiste de Graecopithecus. Credit: National Museum of Natural History - Sofia, Assen Ignatov 

Cependant, deux fossiles d'une créature semblable à un singe qui avait des dents humaines ont été trouvés en Bulgarie et en Grèce, ils datent de 7.2 millions d'années.

La découverte de la créature, appelée Graecopithecus freybergi, et surnommée "el Graeco" par les scientifiques, prouve que nos ancêtres commençaient déjà à évoluer en Europe 200 000 ans avant le premier hominidé africain.

Une équipe internationale de chercheurs rapporte que les découvertes changent entièrement le commencement de l'histoire de l'homme et replace le dernier ancêtre commun, à la fois des chimpanzés et des hommes (le fameux chainon manquant), dans la région méditerranéenne.


À cette époque, le changement climatique transformait l'est de l'Europe en pleine savane ce qui a forcé les singes à trouver de nouvelles ressources, déclenchant, selon les chercheurs, un changement vers la bipédie.

"Cette étude change les idées liées à la connaissance sur l'époque et le lieu des premiers pas de l'humanité" estime le professeur Nikolai Spassov de l'Académie Bulgare des Sciences, "Graecopithecus n'est pas un singe. Il fait partie de la branche des hominidés et est l'ancêtre direct d'homo".
La dent de Graecopithecus Credit: University of Tubingen 

La mâchoire de Graecopithecus Credit: University of Tubingen 

La nourriture de Graecopithecus  était liée à la végétation de savane plutôt sèche et dure, contrairement à celui des derniers grands singes qui vivent dans les forêts. Par conséquent, comme les hommes, il a des molaires larges et un émail épais. Dans une certaine mesure, il s'agit d'un lien manquant nouvellement découvert.

Le visage d'El Graeco ressemble probablement à un grand singe, avec des canines plus courtes.

L'équipe a analysé les deux spécimens découverts de Graecopithecus freybergi: une mâchoire inférieure trouvée en Grèce et une dent prémolaire supérieure provenant de Bulgarie.

A l'aide de la tomographie, ils ont pu visualiser les structures internes des fossiles et voir que les racines de la prémolaire avaient largement fusionné. "Alors que les grands singes ont typiquement deux ou trois racines séparées et divergentes, les racines de Graecopithecus convergent et sont partiellement fusionnées, une caractéristique propre à l'homme moderne, aux anciens hommes et plusieurs pré-humains", rapporte la chercheuse principale le Professeur Madelaine Böhmede de l'Université de Tübingen.

La mâchoire inférieure a d'autres caractéristiques suggérant que l'espèce était un hominidé. Elle se trouve être plus ancienne de plusieurs milliers d'années que le plus ancien hominidé africain, Sahelanthropus tchadensis qui fut découvert au Tchad.

"Nous avons été surpris par nos résultats, étant donné que les pré-humains n'étaient connus qu'en Afrique subsaharienne," ajoute le doctorant Jochen Fuss, qui a mené cette partie de l'étude.

D'après le professeur David Begun, paléoanthropologue à l'Université de Toronto et co-auteur de cette étude, "Cette datation nous permet de déplacer la séparation homme-chimpanzé dans la région méditerranéenne".

Au cours de cette période la mer méditerranée a traversé de fréquentes périodes d’assèchement, formant un pont entre l'Europe et l'Afrique et permettant aux singes et anciens hominidés de circuler entre les continents. L'équipe pense que l'évolution des hominidés a pu être causée par des changements environnementaux importants qui ont déclenché la formation du Sahara de l'Afrique du Nord, il y a plus de sept millions d'années, ce qui poussa l'espèce plus au nord. Ils ont trouvé un grand nombre de couches de sable du Sahara remontant à cette période, ce qui suggère qu'il était situé beaucoup plus au nord qu'actuellement.

Selon le professeur Böhm: "nos découvertes pourraient changer nos idées concernant l'origine de l'humanité. Personnellement, je ne pense pas que les descendants de Graecopithecusont ont disparu, ils ont dû se disperser plus tard en Afrique. La séparation des chimpanzés et des hommes ne s'est faite qu'une fois. Nos données supportent l'idée que la séparation s'est produite dans l'est de la méditerranée, et non en Afrique. Si elle est acceptée, cette théorie modifiera le début même de l'histoire humaine".

Cependant, des experts se montrent sceptiques sur ces découvertes. Pour l'auteur et anthropologue retraité, le Dr Peter Andrews, qui fut au Musée d'Histoire Naturelle à Londres: "il est possible que la  lignée humaine soit originaire d'Europe, mais d'importantes preuves fossiles placent l'origine en Afrique, dont plusieurs squelettes partiels et crânes. J'hésiterais à utiliser une seule caractéristique d'un fossile isolé pour lutter contre les preuves venant d'Afrique."

Cette nouvelle étude a été publiée dans le journal PLOS One: Potential hominin affinities of Graecopithecus from the Late Miocene of Europe



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Merci à Audric pour l'info !

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Plus d'informations sur cette découverte:

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5.22.2017

Des découvertes inattendues renforcent le mystère autour de Tiahuanaco et de Puma Punku

MAJ 01/03/18
Plusieurs découvertes archéologiques inattendues ont été faites sur le site de Tiahuanaco (ou Tiwanaku) au cours d'un projet financé par l'Unesco et mené par l'archéologue espagnol Jose Ignacio Gallegos.

Cela améliore la recherche, mais renforce aussi le mystère entourant cette culture bolivienne depuis longtemps disparue.

Des découvertes inattendues renforcent le mystère autour de la citadelle de Tiahuanaco et de Puma Punku
Temple de Kalasasay, Tiahuanaco

Les travaux de préservation et de conservation en cours sur le site, situé à 70km de La Paz, ont pris un tour surprenant lorsque des études utilisant l'imagerie topographique, la technologie satellite et un drone, ont découvert que le complexe archéologique était bien plus grand qu'on ne le pensait.

Tiahuanaco, qui apparut avant la civilisation Inca, a commencé comme village vers 1580 avant JC, mais est devenu un empire andin qui s'est étalé vers 724 après JC, avant de décliner vers 1187 après JC selon les historiens.

"Le but du projet n'était pas de faire des découvertes scientifiques. Le but est de fournir un ensemble d'outils qui nous permettrons plus tard de créer des politiques appropriées pour travailler sur le site" rapporte Gallagos. Néanmoins, huit vols de drone au-dessus du complexe pour recueillir des images ont montré que le site englobe au moins 650 hectares, dont 411 hectares sont inclus dans l'étude topographique.

Parmi les découvertes majeures, il s'avère que la zone de Puma Punku, l'une des parties les moins étudiées et les plus énigmatiques du complexe car ce sont des ruines et un monticule en terre cuite avec des blocs de pierre, s'étend sur au moins 14 hectares.

Le site de Puma Punku.

Les archéologues ont aussi découvert qu'il y a une grande place souterraine et deux plateformes qui feraient partie d'une pyramide, que les autorités boliviennes veulent fouiller.

Ces découvertes peuvent changer la vision que l'on a du site archéologique d'après le directeur du  CIAAAT (Centro de Investigaciones Arqueológicas, Antropológicas y Administración de Tiwanaku) à Tiahuanaco, Julio Condori: "Cela va changer l'orientation et de nombreuses théories seront enrichies ou complétées, mais surtout cela va nous permettre de faire une réinterprétation de ce qu'était Tiahuanaco"

Le travail en cours conduit également les chercheurs à croire que près du temple Kalasasaya, il y aurait une autre construction en pierre enfouie, probablement un autre temple. Les chercheurs ont aussi trouvé des signes révélant un réseau de canaux pour l'eau. Ils ont aussi détecté environ 100 "unités domestiques" circulaires (ou quartiers de vie) souterraines sur le site.

Les fouilles archéologiques seront probablement lancées en septembre pour vérifier les données topographiques.

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